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« Francophonie : Interview de l’Ambassadrice de France sur la place du français au Cambodge »
20, Mar 2018 , 5:03 pm        
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Photo sélectionnée Crédit photo Morgan Havet
Photo sélectionnée Crédit photo Morgan Havet
A l’occasion de la Fête de la Francophonie, Mme Eva Nguyen Binh, Ambassadrice de France au Cambodge, a accordé une interview à Thmey Thmey dans laquelle elle évoque la situation de la langue française au Cambodge ainsi que les actions de la France et de ses entreprises en faveur du développement du Royaume.



1/ Dans le contexte du Cambodge, la présence du français recule petit à petit face à deux autres langues : Chinois et Anglais, comment faire pour que le français se maintienne au Cambodge?


•​    ​Le français se maintiendra au Cambodge si les Cambodgiens jugent utile d’apprendre le français :
o​    ​utile pour aller faire des études de qualité en France (je rappelle que la France accueille chaque année 600 jeunes Cambodgiens qui souhaitent y poursuivre leurs études) ;
o​    ​utile pour trouver un travail (notamment grâce à la qualité de la formation qu’ils ont pu suivre avec la langue française) ;
o​    ​utile pour avoir accès à une certaine culture.

Nous devons nous montrer attractifs et bien informer sur les portes qu’ouvre la maîtrise de la langue française. De toute façon, la maîtrise d’une seule langue étrangère, que ce soit l’anglais ou le chinois, ne suffira bientôt plus. Nous sommes dans un monde où, de plus en plus, deux langues étrangères seront nécessaires.

•​    ​Je rappelle que le Cambodge est l’un des membres fondateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le Ministère cambodgien de l’Education, de la Jeunesse et des Sports, promeut d’ailleurs officiellement deux langues, l’anglais et le français. Son objectif est de prévoir une première langue au choix en classe de 4ème et la seconde obligatoire en classe de 7ème.

•​    ​Nous souhaitons développer l’enseignement du français, et aussi veiller à la qualité du français enseigné. Nous travaillons en ce sens avec le Ministre de l’Education, S.E. Hang Chuon Naron, et avons d’ailleurs signé un Mémorandum d’entente avec le MEJS en mai 2017 pour développer et renforcer l’enseignement du français, en particulier via la formation des professeurs.

•​    ​Nous constatons également de nombreuses initiatives au niveau des établissements à classes bilingues qui souhaitent obtenir le label de qualité français appelé « France Education ».

•​    ​D’autres exemples illustrent le dynamisme du français au Cambodge : l’Université Royale de Phnom Penh et l’Institut National de l’Education travaillent à la création de masters pour l’enseignement du français. L’Université de Battambang œuvre à la création d’une licence de français tandis que l’Université Royale des Beaux-Arts a vu le nombre de ses apprenants de français passer de 90 à plus de 400 notamment au sein des facultés d’archéologie et d’architecture. Enfin, soulignons qu’au centre de langues de l’Institut Français du Cambodge, le nombre des étudiants est en forte croissance avec plus de 11 000 inscriptions par an.

•​    ​Enfin, c’est bien avec les entreprises qu’il faut travailler afin qu’elles se fassent mieux connaître, en particulier les entreprises françaises, et qu’elles soient davantage en contact avec les étudiants et anciens étudiants. C’est aussi le sens des initiatives que nous prenons en faveur du réseau des alumni (Cambodgiens ayant étudié en France ou au Cambodge dans des filières francophones ou liées à la France). Une commission « Alumni » sera prochainement créée au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie France Cambodge. L’Ambassade y siègera naturellement. Nous pourrons discuter des initiatives à mettre en place permettant un rapprochement entre les entreprises qui recrutent et les francophones.

2/ Pour certains, la langue française est déjà morte au Cambodge, êtes-vous d’accord de ce point de vue? Sinon, pourquoi?


•​    ​Bien sûr que non ! Pour ma part, depuis que j’ai pris mes fonctions au Cambodge en juin 2017, j’ai été frappée par la vitalité de la francophonie dans ce pays. Nombre de Cambodgiens parlent le français, et un français de grande qualité.

•​    ​Pour autant, je suis réaliste : le nombre de francophones baisse, la langue française fait face à de nombreux défis, dans un monde de plus en plus ouvert, et dans un Cambodge ancré dans son environnement régional. Nous devons prendre cela en compte et attirer à la langue française, parlée par près de 274 millions de personnes dans le monde aujourd’hui.

•​    ​La France est toujours le second pays de destination des étudiants cambodgiens à l’étranger, derrière la Thaïlande. Les universités françaises accueillent les étudiants étrangers de la même manière que les jeunes français c’est-à-dire que le gouvernement français prend en charge pour un étudiant cambodgien, comme pour un étudiant français, l’essentiel du coût de ses études dans le système public (15 000€ par an en moyenne). C’est notre philosophie de solidarité et d’égalité d’accès à l’éducation. Ceci suppose bien évidemment un excellent niveau de français de la part de ces étudiants qui peuvent acquérir une formation à la française, reconnue internationalement pour sa qualité.

•​    ​Il y a depuis une vingtaine d’années, environ 600 étudiants cambodgiens, chaque année, en parcours d’études en France au niveau master ou doctorat, et, pour quelques-uns d’entre eux dans des grandes écoles comme Polytechnique. La France a, depuis près de trente ans, formé plus de 6000 Cambodgiens de haut niveau. Nous les retrouvons aujourd’hui à des postes à responsabilités dans les secteurs public et privé.

•​    ​Au moment où je vous parle, la campagne de bourses du gouvernement français 2018 est ouverte. Jusqu’à la fin du mois, les étudiants cambodgiens peuvent candidater à une Bourse du Gouvernement Français en master ou doctorat. Un certain niveau de maîtrise du français est toutefois exigé pour espérer obtenir une bourse.

3/ D’après vous, combien y a-t-il de khmers francophones au Cambodge (les apprenants et professionnels) ? Ces francophones-là travaillent dans quel secteur ? Et, combien de Français vivent au Cambodge? 


•​    ​Le français est une langue bien vivante dans le pays, avec environ 125 000 apprenants de français, selon le Ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports.
 
•​    ​Il est malaisé d’évaluer précisément la répartition des francophones par secteurs d’activité économique en raison d’absence de données statistiques. Je constate que l’on rencontre de nombreux francophones dans les domaines de l’enseignement, du tourisme, de la santé et de la médecine, du patrimoine et de la culture, domaines qui restent encore largement francophones.  Et aussi beaucoup dans les entreprises françaises comme Cambodia Airports par exemple.

•​    ​Il y a un peu plus de 5000 Français enregistrés au Consulat de France. Nous estimons qu’il y aurait, en tout, environ 10 000 Français au Cambodge résidant principalement à Phnom Penh mais aussi à Siem Reap, Sihanoukville, Kep et Kampot.

4/ Combien y a-t-il d’entreprises francophones présentes au Cambodge? Dans quel secteur investissent-elles le plus?

•​    ​La France est le premier investisseur européen au Cambodge avec un stock d’investissement français en progression soutenue depuis cinq ans (340 millions d’euros fin 2016). Deux dynamiques caractérisent la présence des entreprises françaises. D’une part, les investissements réalisés par un nombre restreint de grands groupes français et, d’autre part, la création de nombreuses entreprises locales par des Français.

•​    ​Une trentaine de filiales d’entreprises françaises sont implantées au Cambodge. Quelques grands groupes sont présents dans une variété de secteurs. Aux implantations historiques d’ACCOR (hôtellerie), VINCI (aéroports), TOTAL (distribution de produits pétroliers) et SANOFI (de produits pharmaceutiques) sont venues s’ajouter d’autres filiales plus récentes qui confirment la diversification des investissements français : BOLLORE (exploitation d’hévéas) et sa filiale HAVAS (communication), LAGARDERE (audiovisuel) et BRED (banque).

•​    ​Les entrepreneurs français, évalués à plus de 450, sont surtout actifs dans l’hôtellerie et la restauration. Leurs activités se retrouvent, cependant, dans tous les secteurs de l’économie du Royaume où ils constituent un point d’appui pour le développement des exportations françaises et cambodgiennes (construction, équipements électriques, services,…). Filiales et entrepreneurs se retrouvent au sein de la Chambre de Commerce et d'Industrie France Cambodge (CCIFC), première chambre européenne au Cambodge, qui est un outil de rayonnement pour la communauté d’affaires franco-cambodgienne.

5/ Certains disent que la coopération française, quelque ce soit le secteur, porte ses fruits au Cambodge. A vos yeux, dans quel secteur que le Cambodge tire le plus avantage des ressources humaines formées par la coopération française, soit ici ou en France?

•​    ​Les bourses françaises financent de nombreux médecins et juristes, ainsi que des économistes et des professionnels issus d’autres domaines. Des bourses de Master et de Doctorat sont attribuées aux étudiants et jeunes chercheurs de nationalité cambodgienne désirant effectuer un séjour d’études ou de recherche dans un établissement d’enseignement supérieur français. Les disciplines privilégiées sont le droit, les sciences économiques, les sciences de l’ingénieur, les sciences de l’éducation et du langage, le Français Langue Étrangère mais aussi le tourisme, l’architecture et l’archéologie.

•​    ​La coopération française dans le Royaume se caractérise notamment par l’effort de formation mis en œuvre par les ONG (organisations non gouvernementales), les entreprises et l’Agence française de développement (AFD).

•​    ​Nous estimons que 89 % des ONG françaises présentes sur le sol cambodgien considèrent l’éducation (incluant la formation professionnelle) comme un domaine d’intervention prioritaire. Près de la moitié d’entre elles sont actives dans les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle (45 %).  Le faible taux de scolarisation au secondaire lié à la volonté des jeunes cambodgiens de 15 ans d’avoir un revenu a poussé les ONG à proposer des programmes professionnalisant afin de leur donner accès à des métiers qualifiés.

•​     Les entreprises proposent également des formations professionnelles. Elles disposent de formations en interne, les plus importantes d’entre elles ayant créé des centres de formation intégrés. Certaines fondations proposent des formations allant au-delà de leur activité. C’est le cas de la fondation Paul Dubrule (groupe ACCOR) qui forme 300 jeunes par an dans le secteur touristique à Siem Reap.

•​    ​Enfin, un des quatre axes structurants de l’action de l’AFD au Cambodge est la formation professionnelle. On peut citer ses trois importants projets : la création de deux écoles de tourisme à Phnom Penh et Sihanoukville, une école dédiée aux métiers du textile à Phnom Penh et l’amélioration du dispositif général de formation professionnelle en collaboration avec la Banque asiatique de développement.

6/ Pendant la fête de la Francophonie de cette année 2018, quelle sont les activités qui vont être organisées? Et pour quel but? 

•​    ​Du 7 au 11 mars, nous avons eu la « Semaine française à Siem Reap », la première du genre, avec plus de 50 entreprises, ONG et institutions françaises participantes. Aujourd’hui vient de commencer la « Quinzaine française », que nous organisons avec la Chambre d’Industrie franco-cambodgienne. De nombreux évènements culturels, festifs et gastronomiques, dont le dîner « Goût de France » du 21 mars, mettront en valeur la France, et la coopération entre la France et le Cambodge.  Je suis sûre que ces évènements créeront de nouvelles opportunités pour développer les relations entre nos deux pays.

•​    ​J’ai également pris part à la journée de la Francophonie organisée par le Sénat du Cambodge le 16 mars et participerai également aux événements organisés par le Conseil de promotion pour la Francophonie au Cambodge qui aura lieu le 26 mars prochain au nouvel Institut Diplomatique et des Relations Internationale et par les universités du Cambodge qui aura lieu le 28 mars à l’Institut de Technologie du Cambodge.



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